Économie et efficacité
Novembre 1689 : soucieux d'utiliser au mieux les fonds dont il dispose pour la défense des côtes de Bretagne, Vauban conçoit avec Frézelière (commissaire extraordinaire d'artillerie) un nouveau type d'affût pour l'armement des batteries de côte. En l'absence des escadres du Ponant, Vauban ne peut en effet compter sur les affûts de type marin qui arment les navires du roi. Confronté à cette situation et à l'imminence de la menace anglo-hollandaise, il conçoit donc un nouveau type d'affût dit "bastard" ou "à la vauban". Bâtard, cet affût l'est car ses flasques s'apparentent à ceux d'un affût de campagne tandis que ses roulettes rappellent celles des affûts marins.
Ce nouvel affût à échantignolles, ou "flasque traînant", se caractérise par la recherche d'une économie en bois et ferrures. Flasques et roulettes se composent en effet de plusieurs pièces de bois de petite taille, moins coûteuses. L'affût traînant présente par ailleurs l'avantage de limiter le recul de la pièce lors du tir.
Plus compact, plus solide et plus bas que les affûts marins et les affuts de campagne, il est ainsi moins sensible aux tirs de l'assaillant. Destiné à être mis en œuvre sur une batterie dont le parapet est percé d'embrasures (et non à barbette), ses roulettes sont protégées par la genouillère de l'embrasure.
Sitôt conçu, l'affût "bastard" est proposé pour la défense des fortifications terrestres. Un exemplaire est construit à Ypres dès 1689. Toutefois, la généralisation de ce type d'affût dans les places terrestres ne se fait pas : il ne peut pas en effet être employé en campagne ou en siège si besoin.
Par rapport aux affûts de campagne à grands rouages, ces affûts présentent plusieurs avantages : moindre encombrement, emploi aisé dans des espaces étroits, roulettes moins exposées que les grands rouages aux tirs ennemis.
L'emploi de ces affûts dans les batteries défendant Brest est attestée par les archives qui indiquent également qu'un certain nombre d'entre eux étaient conservés, hors d'usage, dans les années 1780. Aucun n'a malheureusement été préservé dans la réagion brestoise ; on en trouve cependant un exemplaire à la citadelle de Lille.
Reconstitution
Dans le cadre d'une étude préalable à la mise en valeur d'une batterie de côte de la région brestoise, la réalisation d'affûts "à la vauban" est envisagée pour la réinstallation de pièces d'artillerie. Celles-ci, d'un calibre de 24 livres, seront soit des canons du XVIIe conservés, soit des répliques réalisées pour l'occasion.
L'intérêt d'une telle réplique d'affût réside dans son caractère spécifique à la défense de Brest et de sa région. Elle diffère ainsi des nombreux affûts de type marin qui fleurissent sur les remparts et batteries de la région. Elle témoigne de plus de l'action de Vauban : voir large et grand sans pour autant négliger les détails et l'efficacité.
